Présentation des orientations du projet de loi santé

Mesdames les ministres,

Mesdames et messieurs les parlementaires et les élus,

Mesdames et messieurs les Présidents,

Mesdames et messieurs les directeurs,

Mesdames et messieurs,

Le 23 septembre dernier, j’ai présenté la stratégie nationale de santé dont l’enjeu est de refonder notre système de santé. Cette refondation est nécessaire pour relever les grands défis auxquels il est confronté.

Celui du vieillissement, qui impose une réorientation de notre politique.

Celui des maladies chroniques, ensuite, qui touchent aujourd’hui près d’un Français sur quatre.

La mobilisation, enfin, de l’innovation au service de la qualité et de l’efficacité des prises en charge.

Face à ces bouleversements, une seule question se pose : comment répondre à ces défis pour que, dans les années qui viennent, les Français, tous les Français, aient encore accès à un système de santé d’excellence ?

Cette loi, dont je vais vous présenter les grandes orientations, et non le détail des mesures, transformera le quotidien de millions de Français.

Il changera le rapport des Français à leur santé. Il leur apportera les moyens de se prémunir et de se protéger. Il leur donnera, lorsque survient la maladie, les armes pour y faire face : un remboursement des soins simplifié, des délais de consultation plus brefs, une prise en charge plus fluide et compréhensible par tous.

Il y aura un avant et un après. Parce que ce projet de loi marque des priorités clairement définies. Parce qu’il s’inscrit dans la durée. Parce qu’il mobilise des instruments nouveaux pour les patients comme pour les professionnels, qui garantissent l’efficacité des mesures proposées. Ce texte ne sera ni un nouveau grand mécano institutionnel, ni une loi de santé publique, où les objectifs se comptent par dizaines.

Ce sera une réforme structurante, qui permet d’attaquer les inégalités de santé à la racine, en affirmant la place déterminante de la prévention et de l’éducation en santé dans nos politiques.

Ce sera une réforme durable, qui installera le parcours dans notre système de santé, c’est-à-dire une prise en charge dans la proximité et la continuité.

Ce sera une réforme mobilisatrice, enfin, qui fait le pari de l’innovation. Dans un contexte économique contraint, seule l’innovation nous permettra de porter des réformes en profondeur, tout en maintenant à son plus haut niveau la qualité des soins.

Ce projet de loi prolonge, bien sûr, la feuille de route de la stratégie nationale de santé, si amplement débattue depuis quelques mois. Plus de 200 forums régionaux se sont tenus dans toute la France. Ils ont connu une affluence sans précédent. Je veux remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces rencontres et qui nous ont ainsi permis de progresser. Je salue les nombreuses contributions, notamment issues des rangs parlementaires, qui m’ont été adressées. Ces mois de préparation furent l’occasion de démontrer, si besoin en était, que la santé mobilise les Français.

Ce sont eux qui ont directement inspiré les orientations que je vais vous présenter.

I/ La première orientation stratégique du projet de loi est d’inscrire la prévention comme un des socles de notre politique de santé.

Engager une politique de santé publique, ce n’est pas accumuler dans un rapport annexé des indicateurs épidémiologiques complexes. C’est affirmer dans la loi que la responsabilité de l’Etat, en matière de santé, commence par la prévention. La prévention, elle n’est pas là pour punir, pour tout réglementer, encore moins pour tout taxer. Ce projet ne comporte donc aucune mesure de fiscalité.

Quel est le constat ? L’état de santé moyen des Français est parmi les meilleurs qui soient. Mais derrière ces résultats existent de fortes inégalités. En classe de CM2, les enfants d’ouvriers sont dix fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres. C’est parmi eux que se recruteront les futures victimes de la « diabésité », cette épidémie silencieuse qui progresse de façon massive. Le diabète frappe aujourd’hui plus de 3,5 millions de personnes dans notre pays. Elles seront 30% de plus dans 5 ans.

C’est pour cela que je propose un parti pris clair : donner la priorité à la jeunesse et renforcer toujours notre soutien aux plus fragiles.

S’engager envers la jeunesse, dès le plus jeune âge, donc dès l’école. C’est là que tout se joue. Avec Benoît HAMON, et en complémentarité de la loi de refondation de l’école, nous voulons instaurer un parcours éducatif en santé. Il permettra à tous les enfants, de la maternelle au lycée, d’acquérir des connaissances en santé et d’adopter les bons réflexes. Il ne s’agit pas d’avoir une heure de cours par-ci, par-là sur la santé. Il s’agit que les enjeux de santé imprègnent le contenu de tous les enseignements.

Les bons réflexes en santé s’apprennent aussi en famille. Je suis en faveur d’un outil permettant de rendre compréhensible une information, aujourd’hui trop complexe, sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires industriels. De nombreuses marques m’ont fait part de leur intérêt pour une telle démarche. Il nous faut faire aboutir la réflexion sur ce que pourrait être cet outil. La prévention se construit aussi, à l’évidence, avec les professionnels de santé, dont la responsabilité en la matière doit être affirmée clairement. Le suivi au long cours du parcours de soins de chaque enfant doit être renforcé. Cela pourrait conduire à permettre aux parents de choisir un médecin traitant pour leur enfant, qu’il s’agisse d’un généraliste ou d’un pédiatre.

Après l’enfance, l’adolescence est un moment clé ; c’est bien sûr vrai pour la santé et nous devons mieux protéger notre jeunesse contre les addictions.

Je n’accepte pas que l’adolescence soit si souvent l’âge de l’entrée dans le tabac. A 17 ans, un jeune sur trois fume tous les jours ; un sur deux en mourra. Chaque année, le tabac tue 73000 personnes en France. Nous pouvons gagner cette bataille en quelques années à condition de nous y engager pleinement. On ne peut vouloir vaincre le cancer sans agir face au tabac. Dans le cadre du plan cancer, le Président de la République m’a confié l’élaboration d’un programme national de réduction du tabagisme, que j’annoncerai prochainement.

Autre fléau contre lequel il faut protéger les jeunes : les séances d’alcoolisation excessive, plus connues sous le terme de « binge drinking ». A 17 ans, un jeune sur deux est concerné. Il s’agit de se donner les moyens de lutter contre ce phénomène nouveau, en particulier lors de manifestations ou de réunions liées au milieu universitaire ou socio-éducatif.

Protéger notre jeunesse, c’est aussi, en matière de sexualité, garantir aux jeunes femmes mineures l’accès sans condition à la contraception d’urgence auprès de l’infirmière scolaire. Je proposerai de supprimer la condition de « détresse caractérisée » exigée aujourd’hui.

Engager une politique de prévention résolue, c’est évidemment n’oublier personne, en particulier ceux qui sont le plus éloignés des soins. L’héritage précieux que constitue la mobilisation historique de notre pays, dès les premiers temps du sida, dans la politique de réduction des risques, doit être reconnu et prolongé notamment au travers de son développement en milieu carcéral. Il conviendra également de définir le cadre de l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque. Enfin, pour faciliter l’accès au dépistage des personnes les plus exposées, nous généraliserons la pratique des Tests Rapides d’Orientation Diagnostique.

Fixer des priorités ne suffit pas. Il faut se donner les moyens de les mettre en œuvre avec efficacité.

D’abord, en coordonnant l’action gouvernementale. Parce que la prévention concerne chaque ministère, chaque administration. C’est le sens du comité interministériel pour la santé qui est créé aujourd’hui même et qui permettra au ministre de la santé de faire partager, par l’ensemble du gouvernement, les priorités de santé. Cette transversalité est particulièrement nécessaire, par exemple, dans le champ de la santé environnementale : la lutte contre les perturbateurs endocriniens et l’usage intensif de pesticides ou encore l’amélioration de la qualité de l’air sont autant de sujets pour lesquels nous avons besoin d’une politique coordonnée.

Par ailleurs, il nous faut renforcer l’efficacité de nos structures administratives. Nos moyens sont trop éclatés et les efforts trop dispersés. Je veux donc doter la France d’un Institut pour la prévention, la veille et l’intervention en santé publique, qui disposera d’une taille critique suffisante. Une concertation sera conduite avec l’ensemble des équipes concernées, dont je salue le professionnalisme.

Enfin, pour déployer une politique de prévention efficace, le projet de loi confortera la mobilisation des acteurs locaux et sociaux.

Je salue, à ce titre, l’action des collectivités territoriales, cruciale pour la santé. Je salue le rôle des associations qui, sur le terrain, vont vers ceux qui en ont le plus besoin. La démarche de médiation sanitaire, qu’elles ont initiée, sera ainsi inscrite dans la loi.

Je veux accompagner la mobilisation des acteurs sociaux pour promouvoir la santé en milieu professionnel. La grande conférence sociale, qui se tiendra au début du mois de juillet, en débattra.

De même, parce que la prévention concerne l’ensemble de nos territoires, je veillerai à ce que les avancées majeures contenues dans ce projet de loi soient appliquées de manière adaptée aux « outre-mer ».

II/ La deuxième orientation stratégique du projet de loi, c’est la mise en place d’un service territorial de santé au public pour améliorer la prise en charge des Français.

Je reçois régulièrement des témoignages enthousiastes de malades sauvés par l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Mais je reçois aussi des lettres me racontant des histoires de patients perdus dans un système de santé devenu trop complexe, opaque, où la moindre erreur d’aiguillage peut marquer le début de grandes difficultés.

Des témoignages si différents qui illustrent le risque bien réel de voir émerger une médecine à deux vitesses. Qui montrent que les Français n’ont pas tous les mêmes chances d’être bien pris en charge.

1/ Le service territorial de santé au public est une réponse à ces inquiétudes. Une réponse de proximité. Une réponse organisée en fonction des besoins des patients.

Il renforcera l’accès aux soins de tous les Français. Il leur proposera l’information dont ils ont besoin. Il organisera les parcours de demain à partir d’un premier recours efficace et d’un service public hospitalier rénové.

Concrètement, le service territorial de santé au public mettra en place une organisation accessible, lisible, compréhensible. Il doit faciliter la structuration territoriale des soins primaires. Il concernera au moins cinq domaines clefs : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées. Ces domaines seront proposés dans la loi pour être déclinés territoire par territoire.

Je veux prendre un exemple : aujourd’hui, il est souvent difficile pour les parents d’un enfant handicapé de trouver le bon professionnel pour, par exemple, des soins dentaires. Demain, grâce à l’organisation du service territorial, ils sauront à quelle porte frapper.

Ce sont les acteurs concernés, au premier chef les acteurs de soins primaires et les médecins traitants, les professionnels libéraux, hospitaliers, médico-sociaux, qui devront proposer aux agences régionales de santé des organisations pertinentes prenant en compte les expérimentations déjà lancées et les réalités de terrain. Il faut donner aux acteurs de terrain, publics et privés, des outils pour agir et organiser eux-mêmes la proximité.

Pour soutenir cette démarche, le rôle des agences régionales de santé doit être renforcé. Elles pourront réorienter leurs financements. Pour être autorisées, certaines activités pourraient être conditionnées à la participation de leur titulaire à la permanence des soins.

Au fond, il y a trois enjeux majeurs : lever les obstacles financiers ; garantir l’accès aux soins partout ; mettre en place un parcours organisé.

2/ Pour commencer, il faut garantir l’accès aux soins de tous.

Je redis ma détermination à lutter contre les barrières financières et toutes les formes de discrimination.

Le 23 septembre, j’ai pris l’engagement de généraliser le tiers-payant à la fois pour la part correspondant à celle de l’assurance maladie et pour celle des complémentaires. J’ai depuis installé le comité technique en charge de le faire et j’ai nommé son chef de projet. Dès l’an prochain, les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé seront ainsi dispensés d’avance de frais. Pour parvenir à une solution rapide, l’Assurance maladie sera pour cette première étape l’interlocuteur privilégié des médecins, comme elle l’est déjà pour la couverture médicale universelle. Cette décision n’emporte pas de conséquences sur les dispositifs déjà existants chez d’autres professionnels de santé, comme les pharmaciens, par exemple. D’ici 2017, le tiers-payant sera étendu à tous les assurés. Il apportera au médecin une garantie de paiement sans délai et sera simple à utiliser.

Par ailleurs, le projet de loi garantira aux personnes modestes des prix accessibles pour des produits de santé, tels que les lunettes. Je proposerai, enfin, un dispositif renforcé contre le refus de soins.

Mais l’argent n’est pas la seule barrière à l’accès aux soins.

Les Français doivent pouvoir trouver un professionnel de santé près de chez eux. Nous devrons approfondir les résultats encourageants du Pacte territoire-santé, en particulier pour permettre un accès continu aux soins. C’est tout l’enjeu de la permanence des soins.

Le service territorial organisera la réponse aux soins urgents et non-programmés. Comment faire face à la poussée de fièvre d’un enfant au milieu de la nuit ? Où trouver un médecin un dimanche après-midi ? Pour permettre aux Français de se repérer, je proposerai la mise en place d’un numéro d’appel unique, facilement mémorisable, dans chaque département pour la garde en ville : il sera le repère dans l’accès aux soins de nos concitoyens. Enfin, le manque d’information est encore trop souvent un obstacle.

La loi proposera d’instaurer un « GPS en santé ». Ce que nous avons réussi avec le site medicaments.gouv.fr, nous le ferons pour l’ensemble du système de santé. Le service public d’information en santé, qui se met en place au niveau national, prendra la forme d’un portail web, avec une adresse unique, là aussi facile à mémoriser. Il sera également accessible par téléphone. Les ARS auront pour mission de le décliner au niveau régional.

Pour pouvoir bien s’orienter, il faut enfin être suffisamment autonome. C’est tout l’intérêt des dispositifs d’accompagnement, notamment associatifs, de certains patients : c’est une thématique nouvelle qui figurera dans la future loi.

3/ Et ensuite, il faut mettre en place un parcours organisé.

On parle beaucoup de parcours avec le sentiment que c’est abstrait. Mais c’est très concret. C’est ce que les initiés font en ouvrant leur carnet d’adresses.

Il s’agit de mieux coordonner les professionnels, de faciliter les coopérations pour que les patients, notamment les malades chroniques qui ont besoin d’un suivi complexe, ne soient plus ballottés. Et ça, cela se passe en proximité.

Il y a 40 ans, la psychiatrie a eu l’intuition du territoire. Le service territorial de santé au public disposera d’un volet spécifique sur la santé mentale, qui sera le nouveau cadre d’organisation de la santé mentale et de la psychiatrie où le secteur aura toute sa place. Il s’agira d’assurer la permanence des soins, la continuité des soins, la prévention, l’insertion, la coordination des acteurs. Je réaffirme d’ailleurs ma volonté d’œuvrer en faveur d’une reconnaissance dans la loi de la mission de psychiatrie de secteur. Au-delà de ce nouvel ancrage au secteur, je lancerai un chantier avec l’ensemble des acteurs concernés.

Le parcours, c’est donc la coordination. Ce qui change avec cette loi, c’est qu’elle propose des instruments concrets pour mettre en œuvre le parcours.

Des points de repère pour les patients d’abord.

Demain, chaque patient qui sort de l’hôpital se verra remettre le jour-même une lettre de liaison. Elle permettra le lien avec les professionnels de ville, notamment le médecin traitant, et pourra être dématérialisée.

Les patients chroniques disposeront, pour les guider dans leur parcours, d’un programme personnalisé de soins, remis par le médecin traitant.

Evidemment, les professionnels vont avoir besoin d’appui. Il faut leur donner les moyens d’échanger plus simplement. Les agences régionales de santé soutiendront à leur intention des plateformes territoriales d’appui qui devront être conçues avec les professionnels. Elles faciliteront la prise en charge de leurs patients, notamment les plus complexes.

Par ailleurs, la relance du dossier médical est d’ores et déjà engagée. J’ai entendu la nécessité d’en faire un outil de coordination et de partage. La maîtrise d’œuvre en sera confiée à l’assurance maladie. Ce nouveau dossier médical partagé intègre naturellement l’enjeu de la messagerie sécurisée. Le projet de loi facilitera par ailleurs l’exercice des professionnels avec un accès organisé à un thésaurus de connaissances actualisées des dernières données de la science.

L’implication des professionnels de santé de ville comme celle des centres de santé doit pouvoir être reconnue.

Le développement des parcours conduira à une évolution progressive et négociée des modes de rémunération des professionnels – et des établissements – de santé.

Les négociations, qui se sont ouvertes entre l’assurance-maladie et les représentants des professionnels de santé libéraux, médecins, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, mais aussi notamment pharmaciens, ont pour objet de mettre en place des rémunérations d’équipe. Je renouvelle ma confiance aux partenaires conventionnels pour aboutir avant la fin du mois de juillet. S’ils ne parvenaient pas à un accord, alors je procéderais par voie d’un règlement arbitral.

4/ Il ne peut y avoir de premier recours efficace sans que celui-ci s’adosse à un médecin spécialiste de second recours ou à un établissement de santé.

La loi consacrera un service public hospitalier rénové. C’est-à-dire indivisible, conçu comme un « bloc d’obligations ». Les établissements privés à but non lucratif sont évidemment appelés à y participer. Les établissements privés à but lucratif le pourront, s’ils respectent ce bloc d’obligations.

La loi garantira aux usagers la permanence d’accueil et de la prise en charge ; le respect d’un délai de prise en charge raisonnable compte tenu de l’état du patient ; l’égalité d’accès aux soins.

Un service public hospitalier rénové, cela implique de tourner la page de certaines pratiques. Nous clarifierons les conditions de l’exercice libéral à l’hôpital. Nous ferons de même pour l’intérim médical, en plafonnant les rémunérations et en encadrant ce qui est devenu un véritable marché de mercenaires.

Dans le même temps, l’hôpital sera doté d’une responsabilité nouvelle vis-à-vis de son territoire. Pour y parvenir, la loi rendra obligatoires les groupements hospitaliers de territoire qui permettront la mutualisation de certaines activités comme par exemple les systèmes d’information, la formation initiale ou les fonctions support telles que les achats. Et, désormais, sur un même territoire, les établissements porteront un projet médical commun.

Le financement des hôpitaux doit lui aussi permettre aux établissements d’intégrer une logique de parcours. Des expérimentations sur la tarification sont déjà conduites. Je veux que nous allions plus vite et le prochain projet de financement de la sécurité sociale le permettra.

Un hôpital rénové, c’est aussi une gouvernance rééquilibrée : la cohérence de l’exécutif des établissements sera renforcée avec la claire volonté de mieux traduire, dans le respect des attributions du chef d’établissement, le caractère nécessairement médical de la gouvernance hospitalière. L’attractivité de l’hôpital et les conditions de travail sont un chantier majeur qui, au-delà de la loi, nous mobilisera dans le cadre de travaux auxquels je serai attentive.

III/ Ma troisième orientation stratégique, c’est de faire le pari de l’innovation.

Les progrès scientifiques et technologiques révolutionnent désormais les soins au quotidien. Biotechnologies, nanotechnologies, médecine personnalisée et prédictive, thérapie génique, télémédecine : les enjeux liés à la recherche et à l’innovation en santé sont immenses pour les patients et les professionnels.

Ils sont décisifs, aussi, pour la croissance française, comme pour l’avenir de notre système de prise en charge. La santé de l’économie passe aussi par l’économie de la santé !

Dans ce domaine, notre pays occupe les premières places : les 98 premières mondiales signées par nos CHU y sont pour beaucoup. Nos entreprises et nos startups construisent, elles aussi, la France des technologies médicales. Le secteur de l’e-santé connaîtra à lui seul une croissance de 4% à 7% par an dans les prochaines années. Cette position, nous devons la consolider, car la concurrence internationale est vive.

1/ Le rôle de l’Etat est d’être un facilitateur et de garantir un écosystème favorable à l’innovation.

Les délais trop longs, les lourdeurs administratives sont autant d’ennemis de l’innovation. Pour emporter un marché, être compétitifs, conserver un avantage concurrentiel s’engage une lutte contre le temps.

Pour les hôpitaux, les délais concernant les essais cliniques à promotion industrielle vont d’ores et déjà passer de 18 à 2 mois. Le projet de loi proposera de généraliser le dispositif de la convention unique à l’ensemble des catégories d’établissements de santé.

2/ L’innovation concerne aussi les métiers de la santé.

Les jeunes qui s’engagent aujourd’hui dans ces métiers veulent exercer autrement. Les métiers quel que soit le secteur d’exercice.

Ce projet de loi reconnaîtra de nouveaux métiers, notamment les professions paramédicales à pratiques avancées. Je pense aux infirmiers cliniciens. Je pense aussi au rôle et à la place des sages-femmes. Elles pourront participer à la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.

Avec Geneviève FIORASO, nous avons lancé, il y a 18 mois, une réflexion toujours en cours sur la réorganisation du troisième cycle des études médicales pour le rendre plus professionnalisant encore. Nous corrigerons également les imperfections du dispositif du développement professionnel continu.

3/ L’innovation permettra à la France d’être au rendez-vous de l’open data.

L’open data est un enjeu technique, scientifique et démocratique majeur. Il nous faut prolonger le mouvement d’ouverture des données de santé. J’attache une importance toute particulière aux conditions de mise à disposition des données, et en particulier celle du respect de la vie privée. Un important travail a été conduit par la commission open data ; il inspirera les dispositions de la future loi.

IV/ La quatrième orientation stratégique établira une nouvelle gouvernance pour une politique de santé plus performante.

1/ Ce projet de loi rappellera avec force l’unité de la politique de santé.

Il est plus que jamais nécessaire de faire travailler ensemble les services de l’Etat et ceux de l’assurance maladie, dont l’Etat assure la tutelle.

La loi donnera ainsi les moyens d’une meilleure articulation des interventions de l’Etat et de l’assurance maladie : les professionnels le réclament, les défis que nous avons à relever l’exigent. Il n’y a qu’une seule politique de santé et chacun doit y contribuer pour sa part, acteurs nationaux comme acteurs locaux, acteurs publics comme acteurs privés.

La loi engagera également la rénovation du dispositif conventionnel ; si la négociation nationale reste le cadre de référence, elle devra d’emblée intégrer l’exigence de sa nécessaire adaptation régionale et territoriale.

Dans le même esprit, la loi confortera le dialogue social. Elle proposera, par exemple, à la suite des recommandations formulées par Edouard Couty, la création d’un conseil supérieur des personnels médicaux hospitaliers.

2/ Si je devais ne retenir qu’un seul élément des 200 forums régionaux qui se sont tenus sur la stratégie nationale de santé, ce serait la vitalité de notre démocratie sanitaire.

La future loi poursuivra le mouvement engagé en 2002, en permettant aux patients de co-construire davantage les politiques de santé. Les associer, les impliquer pour bâtir un système à leur image.

Le rapport que m’a remis Claire COMPAGNON formule notamment des propositions visant à mieux représenter les usagers. Celles-ci seront largement reprises dans le projet de loi : extension de l’obligation de représentation des usagers dans toutes les agences nationales de santé et création de la commission des usagers. J’ai entendu les difficultés que rencontrent les associations pour remplir les mandats qui leur sont confiés. C’est un sujet sur lequel je souhaite que nous avancions ensemble.

Au-delà de l’enjeu de la représentation, la maturité de la démocratie sanitaire exige que nous renforcions le débat public en santé. Mieux se connaître pour mieux débattre et mieux travailler ensemble : nous devons poursuivre dans cette voie. Je réaffirme aujourd’hui le soutien du gouvernement au projet d’un Institut du patient, confié à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique.

La démocratie sanitaire, c’est mieux associer les patients, mais c’est également simplifier leur relation avec le système de santé. En commençant par instaurer les mêmes droits pour tous. Grâce au projet de loi, le concubin ou le partenaire de PACS d’une personne décédée pourra avoir accès à son dossier médical. Cette possibilité existe pour les personnes mariées, rien ne justifie qu’elle leur soit réservée.

La maturité de la démocratie sanitaire, c’est également le renforcement du pouvoir des patients lorsqu’ils sont les victimes de dommages. Face aux dommages sériels en santé, un droit nouveau pourrait être envisagé : l’instauration d’une action de groupe. Cela représentera une avancée majeure. Les indemnisations y seront, certes, déterminées de manière individuelle, mais désormais nos concitoyens ne seront plus seuls face à la puissance de certaines industries.

Mesdames et messieurs,

Dans les prochains jours, la concertation se poursuivra avec l’ensemble des acteurs du monde de la santé, jusqu’à l’envoi du texte au Conseil d’Etat cet été.

En septembre, je présenterai le projet de loi en Conseil des ministres. Il sera ensuite transmis à l’Assemblée nationale et son examen commencera au début de l’année 2015. Dès le lendemain de la promulgation de la loi, nous devrons être en mesure de déployer rapidement les dispositifs votés par le Parlement.

De nombreuses mesures techniques sont nécessaires, des négociations sont en cours ou à venir : elles n’attendront pas la loi pour se mettre en place. Elles devront être prêtes au moment où ce texte entrera en application. Par ailleurs, le secteur de la santé doit participer à l’objectif général de simplification de nos procédures administratives. Des propositions en ce sens seront faites en concertation notamment avec les fédérations d’établissements.

Je sais pouvoir compter sur l’engagement de chacun pour enrichir et pour nourrir ce texte. Les professionnels, les associations, les élus, l’ensemble des Français : leur mobilisation est indispensable pour permettre à notre système de santé de relever les immenses défis auxquels il est confronté et de préserver ainsi son excellence.

Je vous remercie.

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