Lettre commune à la Ministre de la santé

Madame la Ministre ,

Dans la perspective prochaine de l’ouverture de concertations sur la loi de santé publique, nous tenons à porter à votre connaissance l’espoir qui est le nôtre de voir se concrétiser les propos que vous avez tenu en septembre 2013, faisant de la psychiatrie et de la santé mentale l’une des cinq priorités de la stratégie nationale de santé. Nous formulons ainsi le voeu que la psychiatrie et la santé mentale, que vous aviez justement qualifiées de trop négligées, retrouvent à cette occasion la place qui doivent être la sienne dans le cadre du rétablissement du service public hospitalier, auquel nous sommes très attachés, mais aussi de la dynamique nouvelle du service public territorial de santé qui engagerait aussi les professionnels de santé en ville. Les propositions qui suivent, déclinées en 9 thématiques communes, rappellent les points essentiels promus par les organisations que nous représentons. Nous ne doutons pas de l’intérêt que vous y porterez et nous souhaiterions que vous puissiez nous recevoir ensemble pour vous les préciser et recevoir vos orientations à leur sujet.

1. Conforter les droits des patients en psychiatrie, améliorer leur effectivité :

  • Clarifier la notion de contrainte dans les programmes de soins,
  • Mieux définir le rôle du tiers, et ouvrir une possibilité complémentaire de personne de confiance, sur l’exemple des Pays-Bas,
  • Rétablir un cadre juridique cohérent pour les unités pour malades difficiles, dans le cadre général de soins intensifs en psychiatrie,
  • Assurer la traçabilité des informations concernant les contentions et les pratiques d’isolement qui doivent être réalisées sur la base de l’état clinique du patient dans un but thérapeutique et sur prescription médicale réévaluée tant dans le domaine sanitaire que dans le domaine médico-social;

2. Renforcer la citoyenneté des patients en psychiatrie, leur participation aux projets territoriaux de psychiatrie et de santé mentale, et oeuvrer à la déstigmatisation de la maladie mentale.

  • Développer les conseils locaux de santé et mettre en place systématiquement, lorsqu’il n’existe pas, un volet santé mentale,
  • Mettre en place un pilotage par objectifs partagés entre acteurs locaux sur la base de diagnostics de territoire,
  • Améliorer la connaissance et l’image des troubles mentaux et du handicap psychique ainsi que des modalités de soins et de prévention auprès du grand public en associant la presse générale et spécialisée dans un groupe de travail dédié, pour élaborer conjointement un « guide de bonnes pratiques » ;

3. Rétablir la place des secteurs et inter-secteurs dans la planification et actualiser l’énoncé de leurs missions de service public hospitalier :

  • Rétablir le secteur comme territoire de base des actions de prévention et de soins en psychiatrie et en santé mentale,
  • Expliciter et actualiser les missions des équipes et établissements de santé en responsabilité des secteurs de psychiatrie et inter-secteurs de pédopsychiatrie, notamment en matière de proximité et de prévention,
  • Organiser l’offre de soins sur la base des territoires pertinents sur le noyau de base sectoriel (secteur / inter-secteur/département/région/inter-régional),
  • Permettre aux établissements autorisés en psychiatrie à adhérer à plusieurs CHT, en cohérence avec leurs responsabilités territoriales ;

4. Intégrer les compétences et ressources des acteurs sanitaires non sectorisés dans des projets territoriaux de psychiatrie et de santé mentale et notamment :

  • la place et le rôle des médecins généralistes et des établissements de soins autorisés en psychiatrie non sectorisés,
  • la participation à des missions et sujétions communes (gardes et astreintes),
  • assurer la coordination avec les acteurs sociaux et médico-sociaux et développer une réhabilitation psychosociale articulée avec le secteur psychiatrique (logement insertion professionnelle etc.) ;

5. Articuler les missions, compétences et ressources sanitaires de psychiatrie et de pédopsychiatrie avec les missions, compétences et ressources sociales et médico- sociales pour les personnes en situation de handicap psychique et les situations complexes (autisme, TED…) : À partir du constat de l’inadaptation actuelle des réponses des dispositifs sanitaires, sociaux et médico sociaux notamment en pédopsychiatrie favoriser la mobilité des équipes sanitaires sectorielles et intersectorielles en ESMS en veillant à la cohérence et à l’articulation de leurs interventions avec le reste des dispositifs de soins et de prévention ;

6. Reconsidérer les dispositions du Code Pénal au regard du nombre croissant de personnes en détention et présentant des troubles psychiques ;

7. Restaurer un pilotage national concernant l’organisation des soins et de la prévention en psychiatrie et en santé mentale, ainsi que les modalités de leur financement :

  • Par la mise en place d’un comité national de pilotage DGOS/DGS/usagers et familles/fédérations/conférence des présidents de CME à l’instar du SSR ou de l’HAD,
  • En développant dans un souci de cohérence les travaux inter- ministériels entre les ministères particulièrement concernés par la psychiatrie et la santé mentale (justice, éducation nationale, intérieur, recherche…) ;

8. Promouvoir la recherche opérationnelle en valorisant également les établissements non universitairesà partir du constat partagé d’une recherche insuffisamment développée en psychiatrie et associant les compétences universitaires aux compétences cliniques pluridisciplinaires de terrain dans des programmes de recherche communs ;

9. Actualiser les missions, compétences et qualifications des professionnels

  • Améliorer la reconnaissance de la technicité du métier d’infirmier en psychiatrie par la mise en place d’une formation infirmière de type spécialisation avec un grade de Master 1, formation qualifiante en psychiatrie qui pourrait faire l ́objet secondairement d’une formation complémentaire à la recherche en soins infirmiers avec un garde de Master 2.
  • Rembourser les soins en ville pour les psychologues et psychomotriciens, sous condition d’un exercice en établissement de santé ou médico-social (deux ans éventuellement comme les infirmiers)
  • assurer pour les stages d’internat en psychiatrie une expérience du social et du médico-social, comme de la protection de l’enfance

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’expression de notre haute considération.

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