Lors de la 3e Journée FHF consacrée à la psychiatrie et à la santé mentale, les acteurs de la discipline ont échangé sur les dispositifs et initiatives pouvant prévenir les ruptures dans les parcours de soins, à l’aune de la rénovation annoncée du secteur : post-urgence, équipes mobiles, partenariats entre psychiatres et généralistes, prise en charge des détenus…
À l’occasion de la 3e édition de la Journée FHF consacrée à l’actualité et aux enjeux de la santé mentale et de la psychiatrie, les acteurs de la discipline étaient placés devant une épineuse question. Comment concilier la continuité du parcours de soins, souvent au long cours pour ces patients, avec les enjeux qui vont impacter leurs prises en charge, dont celui d’une rénovation du secteur, annoncé dans la Stratégie nationale de santé (SNS) ? Le député socialiste Denys Robiliard (Loir-et-Cher), auteur d’un rapport sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie remis le 8 janvier à Marisol Touraine, était convié à venir en introduction parler de ces enjeux. Le Dr Yvan Halimi, coordonnateur de la commission permanente sur la psychiatrie à la FHF, tout en soulignant que le secteur était certainement « très perfectible », a néanmoins salué le fait que le député ait retenu le maintien du principe de sectorisation et préconisé de « réaffirmer la légitimité et l’actualité des secteurs en fixant par la loi leurs missions communes ». Il a pointé la confiance des patients dans cette organisation publique des prises en charges alors qu’elle connaît un « taux de croissance annuel de 5% pour la psychiatrie adulte et de 7% pour la psychiatrie infanto-juvénile ». Il a souligné par ailleurs que l’évitement des ruptures dans le parcours de soins était le « fil rouge » du dernier Plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) et que de nombreuses « interfaces » où pouvaient se produire ces ruptures devaient faire l’objet d’une particulière surveillance : prises en charge aux urgences, de personnes âgées, détenues, articulation entre médecine de ville, hôpital, sanitaire et médico-social…
Loi HPST, « machine de guerre » contre le secteur ?
Le député Denys Robiliard a pointé cependant un certain nombre de signaux d’alarme qui pourraient faire augurer des ruptures dans les parcours. Il a relevé l’augmentation des files actives en psychiatrie, a fortiori en pédopsychiatrie alors que la démographie médicale fait se profiler 40% de départ en retraites des praticiens dans les 5 ans à venir. Il évoque 800 postes non pourvus et des hôpitaux généraux qui fonctionnent « sans psychiatre attaché », alors que dans la relation particulière soignant-soigné en psychiatrie, « cela revient à une prise en charge aux antipodes de ce qu’il faudrait faire ». Il a estimé par ailleurs que la loi HPST avait voulu « tuer (…) sans le dire le secteur », en consacrant la notion de « territoire de santé, comme une machine de guerre contre » ce dernier. Or celui-ci montre une « certaine résilience », a-t-il relevé, estimant que si beaucoup d’améliorations étaient à attendre, dont davantage de prises en charge hors les murs, « aucune dispositif n’avait été trouvé de meilleur pour s’y substituer pour les prises en charges au long cours ». Parmi les problématiques existantes, il a pointé des secteurs de taille ou de pratiques très différentes, aux moyens allant de un à dix, souvent très hospitalo-centrés voire « chefs de service-centrés »…
Le président de la Conférence des présidents de CME de CHS, le Dr Christian Müller, a convenu des disparités évoquées mais a souligné que le secteur était aussi « victime » de l’absence des décisions politiques quant, notamment, au nécessaire rééquilibrage dans l’allocation des moyens. Il a pointé qu’il y avait « urgence à agir » et que l’opportunité en était peut être enfin donnée avec la priorité affichée par la ministre de la Santé de vouloir se saisir des enjeux en santé mentale. « Les missions communes des secteurs doivent être définies par la loi, afin qu’il n’y ait plus d’ambiguïté », a-t-il appuyé, appelant à « un secteur réalisé » et non simplement « rénové ». Mais, ceci dans le cadre d’une réforme qui n’entende pas résoudre toutes les problématiques d’une traite et laisse « des marges de manoeuvre aux acteurs sur le terrain » pour des adaptations pertinentes aux besoins de prises en charge.
Charte de collaboration entre psychiatres et généralistes Au sujet de l’essentielle, mais encore insuffisante collaboration entre médecins généralistes et psychiatres, soulevée à l’unanimité par les intervenants, le président de la Conférence a annoncé la publication prochaine d’une charte avec le Collège de la médecine générale, qui devrait aborder les questions de la formation ou encore des transmissions d’informations entre professionnels. Par ailleurs, Christian Müller a posé la question cruciale du financement de la psychiatrie, question sur laquelle le député Denys Robiliard a reconnu que son rapport « pêch[ait] un peu ». « Comment justifier que le gel prudentiel des crédits alloués à la psychiatrie soit deux fois plus important que son poids » dans l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ?, s’est interrogé Christian Müller, appelant une nouvelle fois à la reprise des travaux sur la Valorisation à l’activité en psychiatrie (VAP) en stand-by depuis 2008. Le député a concédé que les travaux sur la VAP avaient pris un tour quelque peu « vaporeux » et reconnu la légitimité d’une revendication de l’instauration d’une gouvernance – prévue initialement – sur le PPSM et d’un comité de pilotage sur le financement du secteur.
Enfin, d’autres interventions au cours de cette journée ont montré des possibilités de pallier les ruptures de parcours, avec par exemple, des retours d’expérience d’une équipe mobile au CH de Thuir (Pyrénées-Orientales) pour la prise en charge de la personne âgée, de l’équipe du Centre de thérapie brève au CHU de Toulouse ou encore des prises en charge au sein de l’Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) au CH du Vinatier près de Lyon.
Mais même au sein de certains de ces dispositifs performants demeurent parfois des incertitudes. Problématique de « séparation » avec un patient à Toulouse dans une prise en charge à « moyen » terme post-urgence, adressage du patient en cas de levée d’écrou à l’UHSA, et problématique de la généralisation sur l’ensemble du territoire des équipes mobiles