A propos de la proposition de loi visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie

Paris, le 19 décembre 2025

Sous couvert de modernisation et d’efficacité, cette PPL entérine une transformation profonde et inquiétante de la psychiatrie en proposant une architecture en trois niveaux de soins et ce en l’absence de tout débat public et d’évaluation indépendante.

La mobilisation inédite et massive des professionnels et la pétition ayant réunie plus de 23 000 signataires ont abouti à une réécriture du texte proposé au Sénat mais pas à son retrait. Même si la nouvelle version ne cite plus explicitement la fondation privée FondaMental, la rédaction de la proposition de loi lui laisse néanmoins le champ libre.

Cette PPL ne répond nullement aux défis auxquels est confrontée la psychiatrie publique :

  • Comment répondre à l’urgence ?
  • Comment garantir un parcours de soins ?
  • Comment améliorer la trajectoire de soins des patients ?

La reconnaissance des dispositifs renommés dans la proposition de loi « les centres et les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques » (en réalité les centres experts) repose sur une illusion : celle qu’un diagnostic objectivé, rapide et standardisé pourrait faire office de soin.

Ce modèle prépare une psychiatrie de surplomb, gouvernée par des protocoles et des recommandations transformées en injonctions, où le clinicien est remplacé par un pseudo expert, évaluateur plutôt que soignant et ce alors que l’expertise des cliniciens de terrain est essentielle pour aboutir à un diagnostic d’excellence, évolutif et garantissant la continuité des soins.

Dans le contexte actuel l’individualisation et la valorisation d’un « troisième recours » déconnecté se ferait nécessairement au détriment des premier et deuxième recours. Cette PPL ne garantit aucunement la coordination minimale nécessaire entre les soignants du « troisième recours » et les soignants des deux autres, et conduirait à une psychiatrie hors sol. En consacrant l’expertise au détriment du soin elle affaiblit la psychiatrie de terrain et trahit les patients.

Pour quelle discipline médicale le législateur se permettrait-il de légiférer contre l’avis des acteurs et des praticiens ? En l’absence de tout travail d’élaboration associant l’ensemble des acteurs concernés, il n’appartient pas au législateur de définir par décret la gradation et le niveau de soins. Nous demandons instamment le rejet de cette proposition de loi.


Gabrielle ALLIO
Présidente du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)

Marie-José CORTES

Présidente du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)

Manuella DE LUCA
Présidente de l’Evolution Psychiatrique

Bruno FALISSARD

Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA)

Claude FINKELSTEIN
Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)

Michel JURUS
Président Fédération Française de Psychiatrie (FFP)

Jean-Paul LANQUETIN
Président d’honneur de l’Association pour le Développement de la Recherche en soins en Psychiatrie (ADRPsy)

Christophe LIBERT
Président de l’Association des Psychiatres Infanto-juvéniles de secteur sanitaire et médico-social (API)

François PACAUD
Président de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)

Annick PERRIN-NIQUET
Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)

Marie-Noëlle PETIT
Présidente de l’Association Nationale des Psychiatres Présidents et Vice-Présidents de Commissions Médicales d’Etablissements des Centres Hospitaliers (ANPCME)

Charles-Olivier PONS
Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)

Christophe SCHMITT
Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés

Isabelle SEFF
Responsable du collectif des psychologues UFMICT-CGT et membre du BF

Norbert SKURNIK
Président par intérim de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)

Olivier TELLIER
Président de l’Association Française des Unités pour Malades Difficiles (UMD)

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